29/1/2006

J'apprécie l'éclairage pertinent de ce magazine sur France 5, aux analyses nettement plus objectives que celles de nos grands journaux télévisés.
De vrais journalistes se chargent tous les dimanches à 13h30 de remettre les infos à leur juste place, rectifiant avec bonheur les propos tenus deci-delà, mettant en lumière ce qui a été passé sous silence, proposant des débats contradictoires du plus grand intérêt.
Ainsi revisitent-ils l'info télévisée. Par exemple, j'apprends qu'au Pakistan il n'y a pas que des barbus, des pauvres et des écoles coraniques, mais aussi des pubs humoristiques, des hommes aux cheveux blonds et une émission politique digne de nos Guignols, animée par un travesti qui se moque ouvertement du gouvernement, sans aucune censure militaire, politique ou religieuse.
La grande question du jour est : les journaux télévisés entretiennent-ils la sinistrose et à qui cela profite-t-il ?
Pour moi c'est oui. Et s'enchaînent les preuves de la manipulation médiatique dont nous sommes les badauds.
Grands titres d'un journal récent de France 2, Pujadas est sur la sellette : tentative de suicide d'un accusé de l'affaire d'Outreau, SEB ferme trois sites en dépit de ses gros bénéfices, soupe à la grimace pour les restaurateurs, la TVA ne baissera pas, vague dramatique de froid sur l'Europe, la Palestine en armes est aux urnes. Pourquoi la rédaction a-t-elle choisi ces sujets et ouvert son journal sur un suicide somme toute manqué ? Je note au passage que dans les écoles de journalisme on apprend que les bonnes nouvelles ne sont pas des nouvelles. Voilà la raison pour laquelle une bonne nouvelle pour le budget de la France comme le maintien de la TVA, devient une mauvaise pour Pujadas, elle rend les restaurateurs français frustrés et amers. Tout est bien dans la façon de présenter les choses. Je trouve quand même dommage que France 2 que nous finançons se mettent à imiter TF1, trash tv par excellence. Ce serait peut-être bien de vraies infos qui sachent présenter une véritable information sans prendre parti, nous donnant ainsi la possibilité de juger pas nous-mêmes. Chaque mot compte, chaque expression du présentateur est déterminante. L'objectivité n'est-elle pas justement l'absence de toute position ? Pujadas se défend âprement, forcément, on ne crache jamais dans sa soupe :
- Non, mes présentations sont parfaitement factuelles.
Ce que démentent ses textes décortiqués mot à mot. Qu'il a soi-disant écrit lui-même, tôt le matin, avec la seule obsession de ne pas prendre parti.
Tout au long du magazine est ainsi mis en avant la ligne éditoriale de nos journaux, le choix d'infos diffusées pour raisons populaires ou éludées pour cause de "complexité", la masse est toujours conne.
Coluche disait avec intelligence :
"Il ne faut pas prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu'ils le sont."
Dans le genre façon de présenter les choses, personne n'ayant encore vraiment répondu à la question "à qui profite la sinistrose ?", est émise l'idée de vérifier si la France sombre que l'on nous dépeint à grand renfort d'informations catastrophiques n'est pas du aux échéances électorales qui se rapprochent à grand-pas, genre changement de règne. Bonne question.
Suivent les portraits croisés de Villepin et de Sarkozy. Villepin parle d'audace française, de capacité d'innovation, de combat, de nos capacités à rebondir, visite des sites prometteurs, félicite à tout va, "découvre" avec joie notre art et notre technologie, tandis que Sarkozy pourtant de la même majorité, évoque les problèmes dans lesquels nous nous enlisons, le chômage qui progresse vertigineusement, le déficit abyssal, le système perdant/perdant dans lequel nous nous engluons, la précarité, l'angoisse omniprésente, l'insécurité intolérable, tout en visitant des stations de métro délabrées, des commissariats obscurs et dépressifs, assistant à des démonstrations de pistolets paralysants et des arrestations musclées. Deux façons de voir les choses : Villepin a choisi le bon côté, Sarkozy le mauvais. Et il y a du vrai dans les deux camps. Mais à ce stade à qui profite la sinistrose ? Manifestement à Sarkozy.
A ce point de l'émission, je commence à me demander si Arrêt sur Image n'est pas en train de prendre parti aussi, succombant ainsi aux travers si longuement reprochés aux autres ? Cerise sur le gâteau, une journaliste auto-décrypte leur dernière émission : ont-ils été objectifs ou pas dans leur précédent débat sur Ségolène Royal ? Ont-ils été neutres ? Ils s'avouent que non. Décrypteront-ils leurs propres images ? Ils se le promettent avec fermeté. Quels sont les messages cachés qui pourraient se glisser malgré eux dans leur propres reportages ? Ils s'auto-analyseront. Et feront ainsi à eux-mêmes ce qu'ils font aux autres. Le magazine finit sur ces mots. Génial !
J'éteins la télé, un sourire aux lèvres. Tout seul dans ma chambrette, je me dis que l'objectivité n'est pas encore morte. Voilà qui me redonne de l'espoir en l'homme ! Merci !!!


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